Si plus de 60 sénateurs de gauche ont toutefois déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel, la réforme des retraites a bel et bien été définitivement adoptée par le parlement le 20 mars dernier. Prévu pour une entrée en vigueur au 1er septembre prochain, il s’agit d’un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS) qui implique également une évaluation de la réforme en 2027. Le comité de suivi des retraites sera chargé de remettre un rapport au Parlement pour évaluer les impacts de la loi. Tous les détails de la réforme.
Mesure phare : le projet de loi prévoit un relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, à raison de trois mois par génération à partir des assurés nés le 1er septembre 1961. Ainsi, l’âge d’ouverture à la retraite sera porté à 63 ans et 3 mois en 2027 pour atteindre 64 ans en 2030 pour les générations 68 et suivantes.
De plus, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027 pour la génération née en 1965, accélérant l’application de la loi « Touraine » de 2014 qui prévoyait un allongement progressif de la durée de cotisation jusqu’à 43 ans d’ici 2035 pour la génération 1973.
Pour ceux qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein reste fixé à 67 ans.
Les carrières longues
Les personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 16 ans pourront partir en retraite à partir de 58 ans, celles ayant commencé entre 16 et 18 ans pourront partir à 60 ans, celles ayant commencé entre 18 et 20 ans pourront partir à 62 ans, et grâce à un amendement, une quatrième borne d’âge a été ajoutée pour permettre aux personnes ayant commencé entre 20 et 21 ans de partir à 63 ans. Toutefois, un plancher de 43 années de cotisations a été instauré par amendement, bien que certaines carrières longues devront cotiser davantage en raison des critères cumulatifs à remplir. Des décrets devront être publiés à cet égard.
Les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles pourront partir en retraite en cas d’incapacité à partir de 60 ans (contre 62 ans dans le projet initial). Les travailleurs handicapés pourront partir à partir de 55 ans.
Suite à des amendements, le délai de rachat des trimestres d’études supérieures et de stage en entreprise a été prolongé (à des âges qui ne pourront être inférieurs respectivement à 30 et 25 ans), et le rachat des trimestres d’apprentissage a été pris en compte dans le dispositif de carrières longues. Les mandats des élus locaux ont également été intégrés dans les situations donnant droit au rachat de trimestres. De plus, une bonification de trimestres pour les assurés ayant servi pendant au moins dix ans comme sapeurs-pompiers volontaires a été autorisée.
Enfin, une assurance vieillesse pour les aidants a été créée afin de mieux prendre en compte leur situation pour la retraite.
Emploi seniors et pénibilité
Le projet de loi introduit des réformes pour améliorer le compte professionnel de prévention (C2P) en augmentant l’accumulation des droits sans plafond, en prenant en compte les poly-expositions et certains facteurs de risques comme le travail de nuit, et en créant un congé de reconversion professionnelle. De plus, un fonds d’investissement pour prévenir l’usure professionnelle est créé afin de financer des actions de reconversion et de prévention des risques ergonomiques tels que les charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques.
En ce qui concerne les travailleurs âgés, dont le taux d’emploi en France est inférieur à la moyenne européenne, quatre mesures sont envisagées. Tout d’abord, les entreprises de plus de 300 salariés devront publier chaque année des indicateurs sur l’emploi des salariés âgés et sur les actions entreprises pour favoriser leur emploi, sous peine d’une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale. Ensuite, si ces indicateurs se détériorent sur trois ans, une négociation sur l’emploi des seniors sera obligatoire, et en cas d’échec, un plan d’action devra être mis en place. Une expérimentation d’un CDI senior sera mise en place pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans, qui sera exonéré de cotisations familiales pour l’employeur pendant un an. Enfin, la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle sera augmentée à 30%.
Pour les mères de famille
Des amendements ont été ajoutés au projet initial du gouvernement pour limiter les effets de la réforme sur les mères de famille. Ces amendements permettront aux mères ayant une carrière complète de bénéficier d’une surcote anticipée allant jusqu’à 5% à 63 ans, à condition d’avoir au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance pour enfant. Actuellement, les mères peuvent partir à la retraite à 62 ans et bénéficier d’une surcote de 10%.
De plus, les femmes auront droit à un minimum de 2 trimestres de majoration pour l’éducation ou l’adoption d’un enfant. Pour les enfants nés après 2010, 8 trimestres supplémentaires sont accordés aux parents, 4 trimestres pour la maternité ou l’adoption et 4 trimestres pour l’éducation de l’enfant, que les parents peuvent se partager.
La majoration de pension de 10% pour trois enfants ou plus sera étendue aux professions libérales et aux avocats.
En outre, les parlementaires ont voté pour réduire de moitié les écarts de pension entre les femmes et les hommes d’ici 2027 et les supprimer complètement d’ici 2050.
Les petites retraites
Le projet de loi prévoit d’augmenter la pension minimale à près de 1 200 euros bruts par mois pour ceux ayant travaillé à temps plein au SMIC tout au long de leur carrière, en liant le minimum contributif majoré (MICO) au SMIC. Cela permettra à ces assurés de toucher une pension brute représentant au moins 85% du SMIC net, en ajoutant leur retraite complémentaire. Cependant, les personnes ayant travaillé à temps partiel ou ayant des carrières discontinues ne seront pas concernées.
Le ministre du travail a indiqué que cette revalorisation s’appliquera à environ 10 000 à 20 000 nouveaux retraités chaque année, à compter du 1er septembre 2023.
Le Sénat a également décidé d’augmenter la durée de résidence en France requise pour bénéficier de l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA) de 6 à 9 mois par an. En outre, les pensions de retraite et l’ASPA à Mayotte seront également revalorisées grâce à l’adoption des amendements parlementaires.
Pour les fonctionnaires
Les mesures prévues dans le projet de loi sur la réforme des retraites s’appliqueront également aux agents publics, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels. Ainsi, l’âge légal sera reporté à 64 ans d’ici 2030, la durée de cotisation sera allongée à 43 ans dès 2027 et l’âge de la retraite sans décote sera fixé à 67 ans. Les pensions des fonctionnaires continueront d’être calculées sur l’indice de traitement des six derniers mois, hors primes.
Toutefois, pour les agents publics considérés comme « actifs » ou « super-actifs », tels que les infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires, l’âge d’ouverture de leurs droits à la retraite sera repoussé respectivement de 57 à 59 ans et de 52 à 54 ans. D’autres mesures sont également prévues, telles que la portabilité des services actifs et la suppression de la clause d’achèvement de la carrière en catégorie active.
La possibilité de travailler jusqu’à 70 ans dans la fonction publique sera généralisée, sans condition, et la retraite progressive sera étendue aux agents publics, sur les mêmes principes que pour les salariés et les indépendants. Les conditions de cumul emploi-retraite seront également assouplies. Enfin, un fonds de prévention sera créé pour prévenir l’usure professionnelle dans les secteurs hospitalier et médico-social, auprès de l’Assurance maladie.
Les régimes spéciaux
Le projet de loi prévoit la suppression des principaux régimes spéciaux de retraite pour les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023. Les régimes concernés sont ceux des industries électriques et gazières (IEG), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des clercs et employés de notaire, de la Banque de France et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Les nouveaux embauchés seront affiliés au régime général de retraite, tandis que les salariés actuels conserveront leur régime spécial conformément à la clause de « grand-père ». Toutefois, les autres régimes particuliers de retraite, tels que les régimes autonomes des professions libérales et les régimes agricoles, ainsi que les régimes spéciaux restants tels que les marins, l’Opéra de Paris et la Comédie Française, ne sont pas inclus dans cette réforme.
Les déficits
Pas de modification du scénario macroéconomique présent dans la loi de finances pour 2023. Celui-ci prévoit une forte inflation de 4,3 % et une croissance ralentie de 1 %. En 2023, le déficit de la sécurité sociale est évalué à 8,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,1 milliard par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale initiale pour 2023. Le déficit de la branche vieillesse, incluant le fonds de solidarité vieillesse, est projeté à 2,5 milliards d’euros, avec un objectif de dépenses fixé à 273,7 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de base. En 2026, le déficit de la branche vieillesse devrait atteindre 11,3 milliards d’euros avant de tendre vers l’équilibre en 2030. Le texte voté parlementairement prévoit de nouvelles dépenses et recettes pour lutter contre la fraude aux prestations et augmenter la fiscalité sur les indemnités de rupture conventionnelle. En outre, une partie de ces dépenses sera prise en charge par les branches famille et accidents du travail – maladies professionnelles, notamment pour le contrat senior. Concernant la branche maladie, son déficit est estimé à 7,9 milliards d’euros en 2023, avec une augmentation de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) de 750 millions d’euros destinée à l’hôpital et à la médecine de ville.
Malgré le blocage actuel, l’invitation lancée par Elisabeth Borne aux responsables syndicaux pour une discussion en début de semaine prochaine est considérée comme un geste. Depuis le début de l’année, ils n’ont pas eu d’entretien avec les autorités et la communication a été rompue, à l’exception de quelques échanges informels, malgré les manifestations régulières.