Le 10 janvier 2023, Elisabeth Borne, la première ministre, a fait une présentation du projet du gouvernement concernant l’avenir du système de retraite français.
D’ici 2030, la limite d’âge pour prendre sa retraite sera portée à 64 ans.
L’âge légal de la retraite sera augmenté à 64 ans d’ici 2030. La mesure sera mise en place progressivement, a raison de trois mois par an a partir du 1er septembre. En 2027, l’âge légal sera fixe a 63 ans et 3 mois et en 2030, il aura atteint la cible de 64 ans.
Le GIP Info Retraite a lancé un simulateur en ligne (suisjeconcerne.info-retraite.fr) afin que chacun puisse connaître l’influence de la réforme sur sa situation particulière. Il détaille les changements et ce qui reste inchangé.
Vers 2027, la durée de cotisation sera prolongée
L’allongement de la durée de cotisation va être accéléré plus rapidement que prévu. La loi Touraine de 2014 prévoyait que les personnes nées en 1973 et après auraient besoin de 43 ans de cotisations pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Le gouvernement veut maintenant que cela se fasse dès 2027 au lieu de 2035. Plutôt que de reporter l’âge de départ à 65 ans, le plan sera intégré au projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, qui sera présenté en Conseil des Ministres le 23 janvier.
Fin de la discussion sur les régimes spéciaux
L’adoption de ce nouvel ensemble de lois conduira à la « fin des dispositifs d’exception », selon les dires de l’exécutif dans un document de presse publié avant la prise de parole d’Elisabeth Borne. Par exemple, « les nouveaux employés à la RATP, ainsi qu’à la branche des industries électriques et gazières et à la Banque de France » seront affiliés au régime général pour la retraite.
La revalorisation des pensions modestes
Les pensions modestes ont bénéficié d’une réévaluation pour s’adapter à la hausse des coûts de la vie. Cette mesure permettra aux personnes à faible revenu de mieux gérer leurs dépenses.
Mme Borne a annoncé mardi que le montant minimum de la pension serait augmenté à 85 % du salaire minimum net pour les futurs retraités ayant une carrière complète, « ce qui représenterait environ 1 200 euros par mois dès cette année ». Cette mesure s’appliquera non seulement aux retraités à venir, mais aussi aux retraités actuels.
Pour mieux comprendre le contenu et les enjeux de la réforme des retraites, lemonde.fr a publié un article listant 26 questions et réponses pertinentes : Reforme des retraites : comprendre le contenu et les enjeux en 26 questions
Une configuration de longue carrière
Cet arrangement, communément appelé « configuration de carrière longue », encourage les personnes à rester à leur poste pendant de longues périodes, ce qui contribue à créer une stabilité et une cohérence sur le lieu de travail. Cette formule est souvent avantageuse pour les employeurs, car elle réduit la nécessité de recruter, de former et d’orienter les nouveaux employés. En outre, il permet aux employeurs de se doter d’une main-d’œuvre plus compétente et plus expérimentée.
L’executif a précisé que le dispositif « carrières longues » sera conservé et « adapté afin que personne qui a commencé a travailler jeune ne soit tenu de travailler plus que 44 ans ».
Les personnes qui ont débuté leur carrière professionnelle avant 20 ans doivent partir à la retraite à 62 ans, ceux qui ont débuté entre 16 et 18 ans à 60 ans et ceux qui ont commencé à travailler très tôt, avant 16 ans, à 58 ans, a déclaré la première ministre mardi.
L’allocation des congés parentaux
Les parents bénéficient d’une allocation spéciale pour les congés qu’ils prennent pour s’occuper de leur progéniture. Ces jours permettent aux parents de passer du temps avec leurs enfants, et sont généralement comptabilisés et décomptés de leurs heures de travail.
Afin de mettre en place un système « plus équitable pour les femmes », Mme Borne a annoncé que les périodes de congés parentaux seront prises en compte. Un « dispositif de départ anticipé à 62 ans » pour les personnes en situation d’invalidité, d’incapacité ou d’inaptitude sera également mis en place. « Cela représente 100 000 personnes par an », a déclaré la chef du gouvernement. Les années passées en tant qu’aidant pour un proche seront également comptabilisées.
Rectifier un régime déficitaire
Pour renverser un déficit existant, les gouvernements doivent prendre des mesures pour réduire les dépenses et augmenter les recettes. Selon le gouvernement, il faut s’attaquer rapidement à un système qui pourrait accumuler jusqu’à 20 milliards d’euros de déficit en 2030. Emmanuel Macron avait souligné lors de son discours du 31 décembre 2022 que« l’objectif est de stabiliser nos régimes de retraite par répartition qui, sans cela, seraient sauvagement menacés parce que nous continuons de les financer à crédit ». D’après madame Borne, le nombre de personnes qui cotisent est en baisse par rapport à ceux qui perçoivent des retraites. La chef du gouvernement a souligné mardi en conférence de presse que « c’est un fait, pas un argument politique ».
Selon le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, sans réforme des retraites, il y aura un déficit de 13,5 milliards d’euros en 2030. Cependant, avec les mesures proposées par le Premier Ministre, cette cagnotte s’élèvera à 17,7 milliards d’euros. Cela laissera une marge de 4,2 milliards d’euros pour l’exécutif à utiliser pour des mesures d’accompagnement, et 3,1 milliards pour les départs anticipés en raison d’invalidité ou d’inaptitude. Les mesures d’amélioration des conditions de travail et des carrières longues, ainsi que la revalorisation des petites pensions pour les nouveaux retraités, coûteront 1,7 milliard d’euros.
Les réactions politiques
La crise sanitaire ayant conduit à un report de la loi de 2020, qui est fortement contestée par les Français et les syndicats, un sondage IFOP pour Fiducial a révélé que 68 % des Français étaient défavorables à ce report à l’âge légal de 64 ans. Mardi, les dirigeants des huit principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) ont appelé à une première journée de grève et de manifestation le jeudi 19 janvier. Les organisations syndicales s’opposent résolument à tout relevage de l’âge légal, car elles estiment qu’il affecterait principalement les plus pauvres, qui ont commencé à travailler tôt et ont déjà leurs trimestres à 62 ans.
Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a averti que même avec des mesures positives pour les carrières longues ou la pénibilité, « il n’y aura pas de deal avec la CFDT ».
Suite aux annonces du gouvernement, les réactions politiques à la réforme des retraites se sont multipliées. La droite, qui avait affirmé être prête pour soutenir une réforme, à « quelques conditions », s’est dite « satisfaite d’avoir été entendue » par le gouvernement concernant le report de l’âge de départ à la retraite et la revalorisation des petites pensions.
Le syndicat patronal Medef a salué « les décisions pragmatiques et responsables » tout en exprimant son « opposition au principe d’un index seniors », qui obligerait les entreprises à révéler la part de leurs salariés âgés.
Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Melenchon, a tweeté sa profonde déception face à ce qu’il perçoit comme une « grave régression sociale » de la part de la réforme Macron-Borne. Fabien Roussel, premier secrétaire du Parti communiste français, a lui aussi critiqué un « projet brutal de recul de l’âge de départ à la retraite ». Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, a évoqué sa « détermination pour faire barrage » face à la réforme « injuste » des retraites présentée par la première ministre.
Comment le gouvernement justifie-t-il sa réforme des retraites ? Explication
L’exécutif base sa réforme des retraites sur la nécessité d’assurer la pérennité du système de retraite par répartition.
Ce dernier repose sur le principe de solidarité intergénérationnelle, ou les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités actuels. Or, le nombre de retraités croît plus rapidement que le nombre d’actifs, sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie.
D’après l’INSEE, en 2040, il y aura 1,5 cotisant pour un retraité, contre 4 cotisants pour un retraité en 1980.
Par conséquent, le gouvernement préconise de faire travailler les Français plus longtemps afin d’augmenter les cotisations pour « sauvegarder un système de retraite en danger ».
Ce constat est partagé, en partie, par le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) publié en septembre 2022. Dans l’ensemble des scénarios envisagés par le COR – qui défini ces prévisions selon plusieurs facteurs économiques comme le taux de chômage et le Produit Intérieur Brut – le système de retraite, en l’état actuel, deviendrait « potentiellement déficitaire jusqu’en 2039 ». Néanmoins le rapport du COR n’indique pas que le système de retraite français est « en danger » ou qu’une réforme de l’âge légal de départ en retraite est nécessaire à sa sauvegarde, comme l’affirme l’exécutif. « Les résultats du rapport ne valident pas le bien fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite » lit-on dans le document.
Quel est le calendrier de la réforme des retraites ?
Présentée lors d’une conférence de presse le 10 janvier 2023, la réforme des retraites doit désormais démarrer son parcours législatif. Voici les échéances à retenir :
- 23 janvier : le texte a été validé par le Conseil des ministres
- 6 février 2023 : début de l’examen dans l’hémicycle à l’Assemblée nationale, dans le cadre du budget de la Sécurité sociale rectificatif
- 26 mars 2023 : fin des débats au Parlement
- 1er septembre 2023 : entrée en vigueur de la réforme des retraites